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Bienvenue sur mon site dédié aux roses anciennes et modernes. Laissez-moi vous conter l'histoire de jardins remarquables, vous présenter des roses méconnues ou oubliées, vous conseiller de beaux livres...

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vendredi 28 octobre 2016

Dans le Midi : les roses anciennes de Talos

LE spécialiste des roses anciennes dans ma région, Yan Surguet, j'espérais un jour le rencontrer. Yan, vous avez sans doute déjà entendu parler de lui sur les blogs, lors de son appel aux dons pour sa future roseraie touristique. 
au sud de la France mais protégées au pied des Pyrénées 
Ce jeune rosiériste s'est spécialisé dans les variétés anciennes reproduites par bouturage. Tous ses rosiers vendus sont francs de pied, c'est-à-dire non greffés. Ils sont de plus cultivés de manière biologique. La production est certifiée AB.

J'ai croisé Yan Surguet ce mois-ci, lors d'une fête des plantes. J'avais pourtant dit que je freinerai les achats de rosiers et me concentrerai désormais sur les plantes méditerranéennes. Mais que voulez-vous, son stand regorgeait de merveilles et la tentation était bien trop grande.

Chaque pot de bouture était bien mis en valeur grâce à un panonceau photographique. Des lianes, des grimpants, des buissons... Comment choisir ? 
Mon accompagnateur de mari voulait du blanc bien froufroutant (comme un origami, dixit !) alors je suis partie à la chasse aux plus beaux plants. Car comme ce sont des boutures, il n'y a bien souvent qu'une tige qui sort de terre, dans chaque contenant. Certains rosiers galliques avaient eu le temps de drageonner. C'est mieux.
Résultat des courses, je suis repartie avec 3 pots.
Blanc de Vibert, une rareté. Il faut être un peu fada pour dépenser 15 euros dans un bâton bouturé, bien esseulé dans son pot mais ce rosier Portland manquait à ma collection de ce groupe et j'ai espoir qu'il soit remontant dans notre terre de cocagne. 
Blanc de Vibert (Vibert, 1847)


Triomphe de Flore, une autre rareté. Un rosier gallique chargé d'histoire. Impossible de résister. Le plant est beau, il y a plusieurs départs de branches.
Dans son livre La Rose de France, François Joyaux écrit que 'Triomphe de Flore' ressemble de façon troublante à 'Duchesse de Montebello'. Sommes-nous en présence de variétés identiques ?
Duchesse de Montebello 

Triomphe de Flore 



Pénélope, une rose, hybride de moschata, plus commune mais néanmoins séduisante et remontante. La qualité de la bouture, les boutons prêts à éclore, le feuillage fourni en parfaite santé, ont achevé de me convaincre. 
Pénélope (Pemberton, 1924)


Se trouvait aussi un très bel exemplaire du rosier 'Martin Frobisher'. J'ai pris le pot puis l'ai reposé. Geste malheureux ! La prochaine fois, peut-être...

vendredi 14 octobre 2016

Rosa gallica officinalis, le rosier de Provins

Depuis des siècles, la légende veut que cet incontournable rosier historique soit originaire de la Terre sainte. Il n'y a pas un seul livre sur les roses qui ne mentionne son introduction en France, du temps des croisades, au XIIIème siècle. Le comte Thibault IV de Champagne l'aurait rapporté en 1240, de retour de la croisade dite des barons.
Faut-il réellement croire cette version ?

Voici un plaidoyer dithyrambique qui mérite réflexion, malgré l'amalgame entre rosa gallica et rosa gallica 'officinalis'. Il est signé de la plume de Charles Cochet-Cochet (1866-1936), fameux rosiériste qui était installé à Coubert, en Seine-et-Marne (77).   

Sur la Rose de Provins (Histoire et Légende)
L'origine de la culture du rosier à Provins remonte au moins à Thibault IV, comte de Brie et de Champagne. Ce gentilhomme qui cultiva les lettres par désespoir d’amour, s'adonna probablement à la culture passionnée des fleurs pour le même motif. Les champs de rosiers, plantés par ses ordres, devaient avoir une certaine importance, non seulement aux portes mêmes de Provins, mais aussi près de Rozay-en-Brie, le "Rozetum in Bria" d'alors, qui a encore trois roses dans ses armes et qui garde cette devise caractéristique : "Rosa inter flores".  
Il est donc absolument certain que Thibault cultiva la rose aux environs de Provins. Une espèce même, le Rosa gallica ou rosier des Gaules, y fut propagée en telle abondance, qu'elle finit par prendre le nom de la ville, et qu'elle est encore connue de nos jours dans le monde entier sous le nom de Rose de Provins
Tout cela est de l'histoire ; mais la légende commence en disant que Thibault lV rapporta la rose de Provins, de Palestine, au retour de l'avant-dernière croisade !
Cette affirmation est tellement erronée, tellement inadmissible, que toute personne ayant un peu étudié cette question à la fois botanique et historique, est tentée de la considérer comme une simple plaisanterie.

Thibault n'a pu introduire en France le rosier de Provins et cela pour deux excellentes raisons :
  1. D'abord; parce que le rosier de Provins (Rosa gallica) croît spontanément en Europe et en France. Il est même si répandu dans certaines contrées de l'Europe qu'il nuit à la culture des céréales.
  2. ensuite et surtout, parce qu'il n'existe pas en Palestine, ni même en Orient.
Mais, consolez-vous, habitants de Provins, car si votre célèbre Thibault n'a pu importer en votre ville, le Rosa Gallica qui y vivait avant lui, il n'en a pas moins doté son pays d'un rosier extrêmement remarquable, car celui qu'il rapporta de la croisade est le rosier de Damas (rosa damascena).  
La rose de Damas, introduite par Thibault, est la rose par excellence ; c'est la rose recherchée en Orient de toute antiquité, pour la finesse de son parfum ; c'est la rose cultivée par les Romains à Paestum et chantée par Virgile ; c'est le « Biferique rosaria Paesti» des Georgiques (livre IV). C'est la rose qui, cultivée par Thibault et nos pères, à côté du rosier de Provins, nous a valu par ses mariages avec cette plante et d'autres espèces, beaucoup de ces belles variétés du genre Rosa, dont nous admirons aujourd'hui les superbes corolles.
Celle-là est si commune en Palestine, qu'une vallée où elle abonde a reçu le nom de « Vallée des Roses ». C'est du reste un fait connu et avéré que Thibault IV a introduit en France la rose de Damas et non celle de Provins. 

COCHET-COCHET, Rosiériste à Coubert.
Journal des roses paru en juillet 1894,  p.107


rosa gallica officinalis
illustration de Redouté

Pour conclure, j'ajoute qu'il me semble que la légende tire ses racines de la confusion faite par le célèbre naturaliste Caspar Bauhin, en 1623.
Dans son ouvrage majeur de classification des plantes, Pinax theatri botanici, qui servit de référence par la suite à tous les botanistes, il assimila par erreur rosa rubra (=rosa gallica) à rosa damascena. Il n'en fallait pas plus pour insinuer, des siècles durant, que rosa gallica (officinalis ou pas...) était originaire de Syrie.
 rosa gallica
 rosa gallica 'officinalis'