Description


Bienvenue sur mon site dédié aux roses anciennes et modernes. Laissez-moi vous conter l'histoire de jardins remarquables, vous présenter des roses méconnues ou oubliées, vous conseiller de beaux livres...

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jeudi 26 novembre 2015

Les roses de l'Hortus Eystettensis

En Allemagne,  en 1597, fut créée l'une des plus anciennes collections botaniques d'Europe. Elle a été commandée par le prince-évêque J. K. von Gemmingen pour décorer le jardin de son château de Willibaldsburg, à Eichstätt.
Le grand apothicaire Basilius Besler (1561-1629), originaire de Nuremberg,  fut charger d'y planter et acclimater de nombreuses plantes rares. Ainsi naquit le jardin appelé Hortus Eystettensis = le jardin d'Eichstätt, nommé en latin, la langue universelle comprise par tous les savants européens.
Basilius Besler reçut l'aide de deux autres botanistes, Charles de L'Ecluse dit Clusius et Joachim Camerarius, aussi natif de Nuremberg. Ces médecins avaient eux-mêmes déjà constitué des jardins botaniques et écrit sur le sujet.  
Un catalogue des espèces contenues dans ce jardin fut publié pour la première fois en 1613. Véritable herbier illustré, il constitue une œuvre majeure pour l'étude des roses botaniques (et des autres plantes), observées à la charnière entre le Moyen Age et l'époque moderne.

exemplaire conservé à la bibliothèque de Wiesbaden (Allemagne)
www.wissensbild.de

Les gravures de cet herbier  sont magnifiques. Chacune fait l'objet d'une courte description en latin, inscrite sur la page suivante. Cet atlas du monde végétal compte 1084 représentations de plantes dont 21 portraits de roses. Mais les roses immortalisées sur ces planches existent-elles toujours ? Qui sont-elles ? Il n'est pas aisé d'identifier ces variétés peintes, pour plusieurs raisons.  
Primo, selon les éditions, les fleurs sont en noir et blanc ou en couleurs. Certaines versions "colorisées" sont fantaisistes et ne reflètent pas la réalité. Pour illustrer cet article, j'ai donc pioché dans les différentes éditions de l'herbier, pour être au plus près de la vérité.
Secundo, les appellations ont bien sûr varié avec le temps. Les botanistes ont renommé les roses à leur guise, il n'y avait pas encore de nomenclature sérieuse (celle de Gaspard Bauhin reste confuse). L'exemple le plus probant s'applique à rosa damascena. Selon les auteurs anciens, elle concernait rosa moschata ou notre rose actuelle, la rose de Damas.
J'ai ainsi comparé systématiquement toutes les sources disponibles datant des XVIème et XVIIème siècles (Dodoens, Camerarius, Clusius, Gerard, Bauhin...) pour effectuer les rapprochements avec nos dénominations de roses actuelles. Je me suis aidée aussi des tentatives d'identifications (incomplètes) des rosomanes érudits contemporains que sont Gerd Krüssmann, François Joyaux et Daniel Lemonnier. Et nous ne sommes pas toujours d'accord ! 
Je regrette de ne pas avoir pu consulter l'ouvrage de Gérard Aymonin, qui était chercheur au Museum national d'Histoire naturelle de Paris et qui a rédigé une étude globale sur le sujet : L'Herbier des quatre saisons par Basilius Besler, paru en 1987, aux éditions Mazenod, réédité en 2009. 

En attendant, voici ma "version des faits", si je puis dire. Avis aux spécialistes pour les corrections éventuelles. 
rosa damascena flore pleno = rosa moschata plena, rosa muscata alba mutiplex

rosa damascena flore simplici = rosa moschata 
rosa rubicunda saccharina dicta = rosa hungarica, rosa gallica conditorum, la rose des confiseurs 
rosa lacteola cameraryRosa alba maxima, la rose centfeuilles des Romains (selon Camerarius)
rosa ex rubro nigricans flore pleno = rosa holosericea, rosa maheca, rosa gallica violacea, rose La Belle Sultane


rosa lutea maxima flore pleno = rosa hemisphaerica

rosa provincialis flore incarnato plenorosa pallida, rosa incarnata, rosa damascena, rose de Provence 

rosa centifolia rubra = rosa centifolia batavica, la rose Centfeuilles de Hollande 

rosa praenestina variegata = rosa gallica versicolor, Rosa Mundi

rosa eglenteria = rosa pendulina, rosa alpina, l'églantier des Alpes    
rosa milesia rubra flore simplici = rosa domestica punicea (la rose pourpre indigène), rosa purpurea (Dodoens)rosa rubra simplex, rosa gallica officinalis, la rose des apothicaires 

rosa sylvestris flore rubro = rosa canina

rosa sylvestris odorata incarnato flore =  rosa rubiginosa 

rosa praecox spinosa flore albo = rosa littoralis, rosa spineola, rosa spinosissima, rosa pimpinellifolia, rose Pimprennelle
rosa rubra praecox flore simplici = rosa silvestris pomifera, rosa villosa 

rosa cinnamomea = rosa majalis plena, rose Cannelle, rose de Mai

rosa lutea flore simplici = rosa lutea, rosa foetida


rosa provincialis flore albo = rosa damascena versicolor, rose York et Lancastre
rosa milesia flore rubro pleno = rosa holosericea multiplex, rose de velours, rose Tuscany  

rosa alba flore simplici = rosa candida, rosa alba semiplena

rosa flore albo pleno = rosa alba suaveolens


Pour résumé :
  • les "rosa damascena" correspondent à nos roses musquées, les rosa moschata.
  • les "rosa milesia" sont assimilables aux roses galliques. Certains auteurs estiment qu'il s'agit des antiques roses de Milet (en Turquie), décrites par Pline l'Ancien, au Ier siècle après JC.
  • les "rosa provincialis" correspondent à nos roses de Damas. Originaires de Perse (Iran) et de Syrie, elles furent peut-être introduites au temps des croisades et cultivées en Provence, d'où leur nom.
  • les "rosa centifolia" se rapportent aux roses de Damas, hybridées par les Hollandais à la fin du XVIème siècle, soient nos actuelles roses centfeuilles.
  • les "rosa alba" sont nos classiques roses blanches et n'ont pas changé de nom.

Bibliographie

Rembert DODOENS (traduction C. de L'ECLUSE), Histoire des plantes, p. 457, Anvers, 1557
Konrad GESNER, Hortus plantarum, 1565
Karel van SINT OMAARS, Libri picturati A20, ca 1564-1569
Pierre PENA, Matthias DE LOBEL, Stirpium adversaria nova, p.446, Londres, 1570
Matthias DE L'OBEL, Plantarum seu stirpium historia, p.618, Anvers, 1576
Matthias DE L'OBEL, Kruydtboeck, p.207, Anvers, 1581
Joachim CAMERARIUS, Kreutterbuch deß Hochgelehrten und weitberühmten Herrn D. Matthioli, p.55, 1586
Joachim CAMERARIUS, Hortus medicus et philosocus, p.142, Nuremberg, 1588
TABERNAEMONTANUS, Neuw Kreuterbuch, 1588, réédité 1625
Matthias DE L'OBEL, Icones stirpium, p.206, Anvers, 1591
John GERARD, The Herball, p. 1077, Londres, 1597
Charles de L'ECLUSE (alias CLUSIUS), Rarorium plantarum historia, p.113, 1601
Guillaume ROVILLE, Commentaires sur les 6 livres de Dioscoride par MATTIOLI, p.86, 1605
Joachim CAMERARIUS Kreutterbuch dess hochgelehrten und weitberümbten...Matthioli, p. 55-56, 1611
Basilius BESLER, Hortus eystettensis, 1613
Crispijn VAN DE PASSE, Hortus floridus, pl.12,1614
Gaspard BAUHIN, Pinax theatri botanici, p.482, 1623
John PARKINSON, Paradisi in sole, p.412, 1629, réédité en 1904, Londres
François JOYAUX, Roses anciennes, p.73, éd° Cyel, 2011
Daniel LEMONNIER, Le livre des roses, p.34-35, p.48, éd° Belin, 2014.




Sources photographiques :
http://www.teylersmuseum.nl
http://plantillustrations.org
http://www.photo.rmn.fr
https://www.vialibri.net


lundi 16 novembre 2015

Duchesse de Rohan

rosier Portland, mis au commerce en 1847 par Urbain dit René Lévêque, rosiériste à Gentilly puis à Ivry-sur-Seine (France).

Il n'est pas souvent cité dans la bibliographie, son origine étant jusque là mystérieuse et pourtant c'est un agréable arbuste aux folioles gaufrées et saines qui prodigue une floraison parfumée et remontante. Elle est typique des roses anciennes avec le coeur en bouton et les nombreux pétales esquissant des quartiers.

Il développe de grandes fleurs pleines dont la couleur de fond à l'ouverture est un rose violacé. Les bords des pétales périphériques se colorent de rose tendre. Puis, pleinement épanouies, les corolles pâlissent avec l'âge.

collection Karl-Heinz Schmid (Allemagne)
L'ayant observé en pleine canicule à la roseraie-conservatoire du Val-de-Marne, à L'Haÿ-les-Roses, je vous assure que c'est un rosier robuste qui brave sans souci, chaleur et sécheresse. Il me fait penser au rosier Yolande d'Aragon ou à Baronne Prévost.
Pour les amateurs de roses anciennes, les rosiers Portland constituent une belle alternative offrant le charme des galliques ou centfeuilles et la remontance (quoique modeste) des rosiers modernes. 
photographié à la roseraie de L'Haÿ-les-Roses (94)

Description de l’hybrideur en 1847 : 
 J'ai mis dans le commerce, cet automne, cette fort belle rose, dont je crois devoir donner ici la description. Rameaux gros et vigoureux, à aiguillons petits, nombreux, recourbés, d'un brun jaunâtre; feuilles à 5 folioles moyennes, assez souvent bullées, régulièrement et finement dentées, d'un vert frais, portées par un pédoncule droit et ferme; fleurs par bouquet de trois à cinq ; divisions du calice longuement foliacées. Ces fleurs ont 6 à 10 centimètres de diamètre et sont très pleines, bombées, d'un beau rouge vif nuancé de lilas foncé. Les premiers rangs de pétales étant d'un rose plus pâle, produisent un effet analogue à celui de nos beaux provins.

à L'Haÿ-les-Roses

Chaque année, le château de Josselin, en Bretagne, propriété de la famille de Rohan, célèbre cette rose, créée en l'honneur de l'arrière grand-mère des propriétaires. Elle est proposée à la vente lors du festival organisé dans le cadre de la manifestation nationale "Rendez-vous au jardin", en juin.

Source bibliographique :
ROUSSELON, Annales de flore et de pomone ou Journal des jardins et des champs, Paris, 1847

Crédit photographique :


mercredi 4 novembre 2015

Mon jardin & Ma maison

rosier grimpant, remontant, commercialisé en 1998, créé par Meilland.
Le magazine jardin éponyme (que je lis fidèlement) méritait bien une rose à son nom. Elle ne figure plus au catalogue du rosiériste et pourtant il s'agit d'une création classique qui ne démérite pas.
Il est difficile de classer ce rosier : est-ce un hybride de thé ? Un hybride tout court, en fait. Le célèbre Bonica est son grand-père et il a gardé la floraison en bouquet de celui-ci. Ses fleurs potelées, de taille moyenne, ne diffusent aucun parfum mais elles offrent un cœur rosé ou chamois qui lui donne du style.


Je le cultivais en 2 exemplaires dans mon jardin normand et les deux arbustes se sont comportés bien différemment.  
En jardinière inexpérimentée, j'avais planté le premier contre un mur de pierres, plein Sud. Selon moi, un grimpant devait "grimper" et sa place toute trouvée me semblait être un support vertical pour qu'il puisse prendre appui. Grave erreur ! Il restait raide comme la justice, fleurissait peu et se marbrait constamment de marsonia.

J'avais beau essayer de le palisser, il n'en faisait qu'à sa tête et refusait même de m'accorder quelques branches supplémentaires, comme pour me faire comprendre qu'il était malheureux.


Le hasard a voulu que je déniche un jour en jardinerie, un 2ème exemplaire, vendu en conteneur. Il était beau, bien ramifié, assez bas, d'une silhouette altière. Couvert de fleurs d'un blanc meringué, il m'a fait craquer avec son port touffu et évasé.

 

Mais, oui, c'était ça la solution ! Le cultiver en buisson de massif ou en isolé sur la pelouse et surtout lui laisser de l'air pour respirer. Je plantai ce deuxième comparse, à mi-ombre, devant la maison. 
Le résultat fut sans appel. Grâce à une taille courte adaptée, Mon Jardin & Ma Maison bis s'est métamorphosé en un arbuste plantureux, sain et florifère. Le rosier affichait avec constance la même robustesse que son jumeau, mais au moins, il était ramifié et surtout en pleine santé.


Morale de l'histoire : ne jamais désespérer devant un rosier récalcitrant (sauf s'il est vraiment très malingre, autant alors acheter un sujet identique de remplacement).  
Le changer de place, changer sa terre, l'ensevelir sous des tombereaux de fumier, le conduire d'une autre façon, le tailler plus court ou plus long, etc, etc... Il y a toujours une solution !

à la roseraie de Bagatelle, à Paris